La révolution Haïtienne, qui a accouché la proclamation de l’indépendance de la première république noire du monde le premier janvier 1804, est, sans aucun doute, l’une des plus grandes révolutions de l’histoire de l’humanité. Elle occupe ce rang parce qu’elle est à la fois anticolonialiste, antiségrégationniste et anti-esclavagiste. Ce qui fait d’elle une révolution Sui generis au monde entier. Faisant référence aux deux révolutions qui la précèdent, à savoir : la révolution américaine de 1776 qui était purement politique, celle de la France de 1789 ne profitait qu’à la bourgeoisie.

En définitive, c’est la révolution haïtienne qui a traduit, dans les faits, toutes les belles idées de liberté et d’égalité où tous les droits consacrés dans la première constitution américaine de 1787 et dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Car l’esclavage est encore resté une institution sacrée pour la France et le sud des Etats-Unis d’Amérique pendant des décennies après l’indépendance d’Haïti. Les esclaves de Saint-Domingue ont donc donné un sens à la notion de la liberté de la personne humaine comme dimension ontologique des droits de l’homme.

En ce qui a trait à la dimension anticolonialiste de la révolution haïtienne, nous tenons seulement à rappeler que la colonisation est une pratique des grandes puissances, qui considèrent que l’occupation d’origine est insuffisante, qu’il faut aller à la conquête d’autres territoires.  Ainsi la colonisation de Saint-Domingue a eu lieu à la fin du XV^ème siècle, au moment où les Espagnoles ont commencé leur conquête de l’Amérique.

Après 312 ans de colonisation partagée entre l’Espagne et la France, car Saint-Domingue était devenue colonie française en 1625, les esclaves Saint-dominguois se sont rebellés contre le système colonial. La bataille de Vertière du 18 novembre 1803 marque la fin de l’histoire pour les français. Cette affaire de Saint-Domingue comme colonie française est une page tournée.

L’esclavage est une institution aussi vielle que le monde. Cette pratique ne vise pas spécifiquement la race noire mais c’est une pratique des grandes puissances qui consiste à réduire d’autres peuples impuissants en servitude. Les esclaves sont donc déshumanisés. Ils perdent toute leur dignité humaine. C’est ici la toute première démarcation de la révolution haïtienne de celle des USA, car les américains maintenaient l’esclavage après avoir pris leur indépendance. Or le premier janvier 1804, journée marquant la proclamation de l’indépendance, Haïti devient automatiquement la terre de la liberté. Tout homme se trouvant sur le sol haïtien est libre comme tous les hommes.

Nous sommes maintenant arrivés à cette caractéristique de la révolution haïtienne qui est à la base de l’hostilité des grandes puissances de l’époque contre le jeune Etat noir. Angleterre, l’Espagne, la France, la Hollande et le Portugal étaient très hostiles à ce nouvel Etat. Le ministre des Affaires Etrangères français déclarait en 1804 qu’il allait faire cuire dans sa peau ce pays de nègre.

L’Angleterre interdisait tout échange entre ses colonies de l’Amérique avec Haïti. C’est-à-dire que le nouvel Etat est victime d’un blocus commercial. Alors que l’Angleterre, aux 18^ème et 19^ème siècle, était la reine de la mer. L’Angleterre appliquait ce blocus contre Haïti dans le but de protéger ses colonies voisines du nouvel Etat.

Les USA qui n’étaient pas encore une puissance mais quand même un Etat voisin d’Haïti, premier Etat libre du continent américain ne voulaient aucun rapport avec cet Etat nègre qu’est Haïti pour la simple et bonne raison qu’ils entendaient protéger leurs intérêts esclavagistes. Pour illustrer l’état d’esprit des dirigeants américains de l’époque, on rapporte la déclaration d’un sénateur qui disait qu’il était dangereux d’avoir des relations diplomatiques avec un Etat nègre car la présence, à Washington, d’ambassadeurs noirs pouvait inciter les esclaves nègres à se rebeller contre le système.

Tout compte fait, la victoire des esclaves de Saint-Domingue sur l’armée de Napoléon peut être considérée comme la conséquence de l’ignorance, du mépris ou tout simplement du refus des blancs d’admettre que les noirs étaient eux aussi des humains dotés d’une intelligence, de dignité et des droits sacrés et inaliénables. Quand ils ont compris la stratégie des esclaves, il était malheureusement trop tard pour arrêter le train de la vengeance et de la liberté.

La révolution de Saint Domingue a accouché ce pays qu’on appelle Haïti ; première république noire du monde, le deuxième Etat libre du continent américain si l’on considère les Etats-Unis comme le tout premier.  Après 216 ans de luttes intestines internes visant la prise et le maintien du pouvoir politique, qu’avons-nous fait de cette liberté ?

Jean Emmanuel EMILE, étudiant finissant en Relations Internationales, CEDI